Il ouvrit les yeux d’un coup. Des perles de sueur ruisselaient sur son visage. Il avait encore fait le même cauchemar. Ses bras ainsi que son front étaient bandés. Le lit et la chambre dans lequel il était n’étaient pas les siens. Les draps dégageaient une odeur douce, agréable. Non sans mal, il se mit en position assise. Ses muscles lui faisaient mal. Il scruta la chambre dans laquelle il était. Un vase rempli de fleurs reposait sur la table de nuit, des étagères de peluches de toutes couleurs et tailles tapissaient les murs blancs.
« Sore ? Tu es là ?
– Baba ! Enfin tu te réveilles ! J’ai cru que tu étais mort ! Comment tu te sens?
– Ça va… Il faut qu’on parle.
– Oui, je crois bien.
– Avant tout, où suis-je ?
– Je pense qu’elle te l’expliquera mieux que moi.
– Elle ? »
À cet instant, la porte de la chambre s’ouvrit. On pouvait entendre quelqu’un fredonner une chanson. Une femme surgit, un plateau chargé de bandages et d’un petit bouquet de fleurs à la main.
Il observa la jeune fille sans broncher. Elle n’était pas très grande, mais avait une démarche des plus élégantes. Elle était vêtue d’une robe noire ainsi que d’un foulard sur ses longs cheveux noirs, qui lui cachait le haut de la tête.
Elle s’avança, contourna le lit, posa le plateau sur le bas du lit, et, toujours en fredonnant, prit le bouquet et remplaça les fleurs du vase. Elle ne semblait pas avoir remarqué Baba.
« Hum. Lança-t-il
– Ah ! »
Visiblement surprise, elle sursauta et tomba par terre.
« Aïe. S’exclama-t-elle
– Excuse-moi. Je t’ai fait peur ? Dit Baba en riant.
– Tu… Tu es réveillé ?!
– Comme tu peux le voir, rétorqua-t-il en souriant. »
Sur ces paroles, elle se leva et enleva son foulard de sa tête pour se recoiffer.
Les yeux écarquillés, le jeune homme s’exclama :
« Toi ! »
Sur le haut de la tête de la fille, il pouvait apercevoir des oreilles de chat.
« C’est toi que j’ai vue juste avant de m’endormir !
– Pourquoi es-tu si étonné ?
– Tes… Tes oreilles ! »
Bouche bée, Baba contempla la jeune fille. En y repensant, il n’avait jamais vu une fille si belle.
Soudain, elle remit son foulard sur sa tête, d’un bref coup de main.
« Pourquoi les caches-tu ?
– Il y a deux ans, je me croyais au-dessus de tout et je me suis aventurée dans la recherche d’un célèbre criminel. Résultat, je suis passée à deux doigts de la mort, et leur mage m’a maudite. Cette malédiction, c’est ces oreilles, et plus le temps passera, plus je me transformerai en chat. C’est le symbole de ma défaite, et surtout de mon orgueil…
– Moi je pense que tu ne devrais pas les cacher. Elles te rendent encore plus belle que tu ne l’es déjà, répondit aussitôt Baba avec un grand sourire innocent. »
Le visage de la jeune fille vira au rouge et détourna son regard de celui du blessé.
« Abruti… » dit-elle en grommelant.
Apercevant un tatouage sur la main de la fille aux oreilles de chat, il ne peut s’empêcher de demander
« Tiens ? Tu es dans la guilde ? Depuis quand ? Et comment ça se fait que je ne t’ai jamais vue avant ?
– Je suis arrivée peu après ton départ pour la nyantagne. Je viens de l’ouest. Je vagabondais, sans réel but. Quand je suis arrivée dans ce village, j’ai appris qu’il y avait une guilde, et n’ayant rien à perdre, je suis allée postuler. À peine n’avais-je commencé à parler que les membres crièrent tous “Acceptée !”
– Ça ne m’étonne pas d’eux. Répondit-il en rigolant. Au fait, on est où ?
– On est chez moi. Tu es dans ma chambre, là. Un membre de ta guilde t’a amené ici après que tu t’es endormi. Tu es resté endormi pendant deux semaines.
– Ça fait deux semaines que je dors chez toi, euh…
– Nora. Eh oui.
– Merci de t’être occupée de moi, Nora… » dit-il en rougissant.
Nora se leva et commença à enlever les bandages de Baba.
« Bah ? Qu’est-ce que tu fais? Demanda-t-il, surpris.
– Bah je change tes bandages, répondit-elle en s’écartant.
– C’est pas la peine, c’est cicatrisé, t’inquiète pas. »
Sur ces mots, il commença à enlever ses bandages. On pouvait observer de nombreuses cicatrices qui jonchaient ses bras et son dos.
Baba se mit sur le bord du lit.
« Qu’est-ce que tu fais ? » s’écria Nora.
« Je me lève.
– Non, non, non et non ! Tu dois te reposer ! S’exclama-t-elle en le poussant pour qu’il se recouche.
– J’ai passé deux semaines à dormir, je me suis assez reposé. »
Baba rassembla ses forces et se leva, non sans mal, faisant s’écarter Nora. Il était grand. Il faisait environ une tête et demi de plus qu’elle.
« Sore ? dit-il à haute voix.
– Oui, je m’en occupe. »
La voix de la déesse résonnait aussi dans la tête de la jeune Nora. L’instant d’après, une lumière apparut au-dessus de Baba, et ses blessures se refermèrent progressivement jusqu’à disparaître totalement. Nora n’en croyait pas ses yeux.
« Que vient-il de se passer ?
– La voix que tu as entendue est celle de Soreyawari. La déesse que je sers. Ma guérison miraculeuse est aussi son œuvre. »
Nora était bouche bée. C’était à peine croyable.
« Bon, Baba, je sais que tu viens à peine de te réveiller, mais il faut se mettre en route. Je sens que Loux prépare quelque chose de terrible. Rends-toi au sommet de la nyantagne, récupère ta lance et pars t’entraîner. Tel que tu es actuellement, tu n’as aucune chance contre ton maître. Nous n’avons pas de temps à perdre.
– D’accord, je fais vite. Nora, merci pour tout, mais je dois m’en aller.
Un air triste au visage, Nora lui répondit.
– Non, attends… Tu n’es pas encore rétabli. Tu vas te faire tuer si tu pars maintenant !
– Ne t’inquiète pas. Je suis protégé par une déesse je te rappelle, dit-il en souriant. »
Voyant que la mine de la jeune fille ne changeait pas, il mit sa main sur sa tête, et la caressa.
« Je repasserai te voir. C’est une promesse. Et un chevalier tient toujours ses promesses. »
Après avoir entendu ces paroles, Nora laissa s’échapper un sourire. Peu après, Baba enfila son armure qui était par terre, dans un coin de la chambre et se mit en route.

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